La fourmi zombie: champignons parasites et manipulation du comportement
Tout au long de sa vie, le champignon se développe en réponse aux conditions environnementales.
Pour être précis, sur la page « Quatre questions » de ce site, l’ontogénie est décrite comme l’interaction entre les gènes d’un organisme et son environnement. Dans ce cas, cependant, la situation est un peu plus compliqué car il implique deux organismes (le champignon et son hôte) qui influencent mutuellement le comportement et l’environnement. Cette section fournira donc une description détaillée de l’interaction progressive entre les deux organismes.
La fourmi commence à convulser après l’infection, la faisant tomber près du sol forestier et initier une «prise de mort» sur un feuille voisine.
Une fois infectée, la fourmi s’éloigne de sa colonie située en hauteur dans la canopée de la forêt. En marchant, la fourmi subit des convulsions irrégulières du corps entier, ce qui fait souvent chuter la fourmi des niveaux supérieurs de la forêt tropicale aux niveaux inférieurs. Finalement, la fourmi infectée atterrit sur le sol, après quoi elle grimpe sur un petit jeune arbre ou une plante. En comparaison, une fourmi non infectée quitte rarement la haute canopée de la forêt, ne descend que lorsqu’une rupture dans la canopée le nécessite et ne tombe presque jamais de la végétation. À midi, les fourmis infectées mordent dans la nervure principale d’une feuille voisine, ce qui suggère que le signal est en quelque sorte corrélé au soleil, à la température ou à l’humidité. Il est également probable que le comportement mordant sur la veine soit stimulé par la section surélevée de la veine par rapport au reste de la feuille. Par la suite, la fourmi meurt et les muscles de la fourmi infectée s’atrophient rapidement, déclenchant une «prise de mort» sur la feuille qui imprègne les mandibules profondément dans le tissu végétal (Hughes et al., 2011).
Avant la mort de son hôte, Ophiocordyceps unilateralis manipule le comportement de son hôte en réponse à la température et à l’humidité du milieu environnant.
Lorsque la température et l’humidité ne sont pas propices à la prolifération, Ophiocordyceps unilateralis orientera son hôte vers un environnement plus hospitalier et plus proche du sol forestier. Une fois que la fourmi a atteint un emplacement approprié, le champignon manipule son hôte de sorte que la fourmi ne convulse plus et ne titube plus, arrêtant ainsi toute nouvelle descente. Pour s’assurer qu’elle reste dans le nouvel environnement, la fourmi s’ancre ensuite en mordant dans une nervure foliaire voisine. Ainsi, O. unilateralis modifie le comportement de son hôte pour s’assurer que le processus se termine dans un endroit propice à la survie et à la propagation du champignon.
Suite à la mort de son hôte, le champignon procède à se développent et se reproduisent dans l’environnement favorable.
Après la mort de la fourmi, des hyphes clairsemés poussent de la cuticule tandis que d’autres hyphes fixent la fourmi à la feuille. Stroma commence alors à se développer à partir de la tête de fourmi, et le les hyphes brunissent (caractéristique d’Ophiocordyceps unilateralis). Une à deux semaines après la mort de la fourmi, le champignon passe à la reproduction sexuée. Une plaque périthéciale unilatérale se développe sur le stroma, qui libère alors des spores sexuelles. Le stroma et la plaque périthéciale unilatérale peuvent être vus sur le diagramme de fourmi ci-dessous. Les spores tombent ensuite sur le sol forestier, dispersées sur une courte distance. Parce que la fourmi hôte s’aventure rarement sur le sol forestier, le champignon se lance dans la production de spores sur une période prolongée afin de s’assurer qu’il infecte occasionnellement la fourmi C. leonardi passant (Andersen et al., 2009), un phénomène connu sous le nom de reproduction itéropare (voir «Valeur adaptative» pour plus de détails).